Le 14 février 2024 pour la Saint-Valentin, la nouvelle du mariage entre notre commune et la majorité présidentielle était rendue publique. La Zone d’Aménagement Concertée (ZAC) de Ferney-Voltaire et ses 2400 logements figurent officiellement parmi les 22 projets auxquels est attribué le label « Territoire engagé pour le logement ». L’Etat s’est-il fait piéger par nos élus locaux en s’impliquant dans un projet au bord de la faillite grevé par de nombreuses procédures judiciaires ?
Un certain nombre d’informations manquaient jusqu’ici pour comprendre quelles étaient les conséquences de cette sélection pour notre territoire et ses habitants. Nous savions que cela impliquait des mesures d’exception en matière d’urbanisme mais nous n’avions a priori aucune idée du soutien financier qui pouvait être espéré de la part de l’État.
Cette question était pourtant essentielle au lendemain de l’échec du projet absurde de centre commercial géant voulu pour Ferney-Voltaire par l’agglomération du Pays de Gex dont le vice-président à l’urbanisme n’est autre que le maire de notre commune, Daniel Raphoz. C’est grâce à la manne issue de ce projet (entre 60 et 100 millions d’euros) que notre commune comptait financer les infrastructures nécessaires à l’accueil de ses nouveaux habitants. Parmi ces infrastructures figuraient un tramway associé à un parking relais colossal présenté aux promoteurs immobiliers comme la poule aux oeufs d’or pour faire valoir leurs projets dans le cadre de la ZAC. Il s’agit en effet de l’élément central de coopération stratégique entre la France et Genève en matière de transport public permettant la prise en charge des déplacements transfrontaliers qui concernent entre autres les fonctionnaires internationaux résidant dans notre agglomération.
Or c’est là que commence le problème. La structure chargée par l’agglomération de prendre en charge la ZAC de Ferney et ses infrastrucutures, la société publique locale Terrinov, est à l’agonie sur le plan financier : une dette de près de 100 millions d’euros, un déficit structurel qui a obligé la communauté d’agglomération du Pays de Gex à y injecter un million d’euros d’argent public en décembre dernier suivi de 10 autres au mois de janvier (financé par les contribuables de notre territoire) et des banques qui réclament leur dû contraignant ainsi Terrinov à entrer en procédure de conciliation devant le tribunal de commerce. Son directeur Vincent Scattolin, maire de Divonne, porte une lourde responsabilité dans cette situation mais cela n’exonère pas la majorité au pouvoir dans notre commune qui a validé l’ensemble de ces projets sans avoir consulté régulièrement la commission d’urbanisme à ce sujet.
Nous savons maintenant quel montant peut être attendu de la part de l’État pour la ZAC de Ferney relativement au label « Territoire engagé pour le logement ». Il s’agira au mieux d’une vingtaine de millions d’euros versés au fur et à mesure des logements construits. La somme est importante mais très incertaine et complètement insuffisante pour compenser les millions perdus à la suite de l’échec du projet de centre commercial ferneysien. A titre d’exemple, la partie française du projet de tramway transfrontalier correspond à un investissement de 70 millions d’euros dont 17 pourraient être pris en charge par la Suisse. Restent donc 53 millions à trouver. On comprend facilement que les 20 millions versés par l’Etat ne suffiront pas. Surtout que ces derniers doivent aussi servir à financer des infrastructures basiques telles que les écoles et les gymnases dont nous n’avons toujours pas de nouvelles car l’agglomération et la commune de Ferney ont préféré commencer par construire un parking géant en entrée de ville transformant ainsi notre commune en relais de stationnement pour tout le Grand Genève.
Ce projet de Parking qui défigure un des derniers réservoir de biodiversité de notre commune est en outre à l’origine d’une procédure judiciaire qui pourrait aboutir à son démantèlement. En effet, les riverains s’interrogent sur les conséquences de ce projet colossal de près de 450 places et de 19 mètres de haut pour eux et leurs familles (particules fines, nuisances sonores…). Ils questionnent entre autres l’absence d’étude d’impact sanitaire préalable qui ne leur a jamais été fournie.
Les promoteurs ignorent de leur côté cette situation et imaginent leurs projets en pariant sur l’arrivée prochaine de ces infrastructures improbables comme en témoignent les annonces qu’ils publient sur internet à ce sujet. Cette asymétrie d’information risque de produire une situation catastrophique relevant de la spéculation immobilière. Des logements pourraient ainsi être construits mais à des prix invendables pour de potentiels acquéreurs (voire notamment le projet MORPHO qui propose un bien de 100 m2 pour près de 700 000 euros en fiscalité PINEL). Qui voudra par ailleurs acquérir des logements dans une zone qui ne garantit ni place en crèche ni place à l’école à ses habitants ?
C’est sur ce dernier point que l’affaire est insoluble. L’aide financière de l’Etat ne permettra pas d’inverser la logique temporelle fatale qui consiste à construire le logement avant les infrastructures. Il aurait fallu faire l’inverse. Comment ? En suivant la solution que préconise notre liste depuis les élections de 2020 : ralentir la croissance urbaine ferneysienne en demandant à d’autres communes de prendre leur part (Divonne entre autres…) et faire dépendre le financement des infrastructures non pas d’un partenariat avec des promoteurs privés mais d’une coopération entre les différentes communes de notre secteur.
Plus généralement l’exemple ferneysien invite à s’interroger sur les objectifs poursuivis par le gouvernement actuel à travers son label « territoire engagé pour le logement ». S’agit-il de maintenir sous perfusion des projets de bétonnage archaïques en contradiction totale avec les objectifs de développement durable souhaitables pour nous tous ? Et surtout comment imaginer une telle concentration de population en un même lieu sans proposer une infrastructure de santé adaptée à leurs besoins dans le contrat territrial de santé ? Sur tous ces points la majorité ferneysienne actuelle a échoué à faire valoir nos attentes légitimes…
Jean-Loup Kastler, tête de liste de l’opposition ferneysienne Ferney En Grand